Ouvrir la voie à la décennie numérique

Il est temps de changer de route 

Malgré l’importance croissante de la technologie numérique dans l’économie et la société, la Belgique perd aujourd’hui du terrain par rapport à ses voisins européens. Par exemple, nous sommes passés de la 5e à la 16e place selon l’Indice de l’économie et de la société numériques (DESI) de la Commission européenne. Agoria préconise donc une stratégie numérique ambitieuse, axée sur 4 domaines clés : les compétences et les experts numériques, une infrastructure numérique sûre et durable, l’accélération numérique des entreprises et la numérisation des services publics.


Toute l’économie se numérise

L’emploi dans le secteur des TIC a augmenté de près d’un tiers en dix ans (2012- 2022). En outre, plus de 60 % des experts numériques travaillent en dehors du secteur des TIC, notamment dans les secteurs financier, public et industriel. En d’autres termes : la numérisation est omniprésente.

Chute de la 5e à la 16e place

Pour mesurer les progrès de l’économie et de la société numériques au niveau national, l’UE a mis au point l’indice de l’économie et de la société numériques (DESI). Malgré quelques progrès, la Belgique perd constamment du terrain par rapport aux autres pays européens. Notre pays est passé de la 5e place en 2015 à la 16e en 2022. L’Espagne, quant à elle, est passée de la 17e place en 2015 à la 7e en 2022, grâce à une politique numérique forte et ambitieuse (par exemple España Digital 2026).

Les initiatives fédérales telles que #SmartNation sont positives mais insuffisantes. Si la Belgique aspire à revenir dans le top 5 d’ici 2030, elle doit revoir ses ambitions à la hausse et collaborer plus étroitement avec les autres entités belges.

4 domaines d’action pour le niveau fédéral

Sur sa voie vers la décennie numérique, l’Europe identifie quatre domaines d’action assortis d’objectifs ambitieux pour 2030. 

1) Compétences digitales 

La 13e position de la Belgique la place juste au-dessus de la moyenne européenne (DESI). Cependant, notre pays est à la traîne en ce qui concerne la proportion de diplômés en TIC - 2,2 % par rapport à une moyenne européenne de 3,9 %. Malgré les initiatives d’acteurs publics – par exemple DigiSkills Belgium – et privés, on déplore un manque de compétences numériques de base et d’experts, notamment en matière de cybersécurité et d’IA/données.

Il est également important d’ encourager et de cartographier les formations « non régulières. Encouragez également les entreprises à faire appel à ce type de formation. En plus, il faut tenir compte de l’impact des formations « non régulières » (axées sur la demande) pour l’indice DESI.

2) Infrastructure digitale sécurisée 

Des réseaux de télécommunications fixes et mobiles puissants et sécurisés sont essentiels pour une économie et une société numériques saines. Le nombre de cyberattaques en Belgique a augmenté de 37 % entre 2019 et 2021. Il est donc grand temps de s’attaquer au manque de maturité en matière de cybersécurité dans les secteurs public et privé, ainsi qu’à la pénurie d’experts en cybersécurité (environ 4 000 postes vacants dans tous les secteurs en Belgique) (voir le chapitre Télécom). 

3) Accélération digitale des entreprises 

Nouvelles technologies, données et innovation 

Les nouvelles technologies (IA, Web 3.0, 5G, blockchain, XR/VR, cybersécurité, etc.) et l’économie des données gagnent en importance, offrant des solutions à une série de défis sociétaux et économiques. En outre, le défi pour la Belgique aujourd’hui n’est pas tant de créer de nouvelles start-ups que de faire prospérer les start-ups et scale-ups innovantes existantes. 

Mise en oeuvre de nouvelles réglementations numériques 

De nombreuses nouvelles réglementations européennes sont en cours d’adoption (Data Act, AI Act, Cyber Resilience Act, NIS2 Directive, etc.). S’y conformer sera un véritable défi pour les entreprises, y compris parce que la technologie évolue constamment. 

Digital4Sustainability 

La technologie numérique est l’une des solutions pour relever les défis de la durabilité (voir par exemple l’étude Digital4Climate d’Agoria & Accentur, 2022). Mais il y a encore des progrès à faire en la matière, car seuls 56 % des entreprises belges ont une intensité moyenne à élevée d’actions vertes basées sur les TIC – par rapport à une moyenne européenne de 66 % (DESI). 

4) Digitalisation des services publics 

Malgré quelques progrès, la Belgique reste en dessous de la moyenne européenne (DESI), se classant à la 16e place. La pression continue d’augmenter et il est urgent de renforcer la collaboration avec le secteur privé. Investir dans l’eHealth devient également une priorité pour faire face à la pression croissante qui pèse sur le système de santé belge.


Roadmap pour une prospérité durable

Agoria préconise une stratégie numérique forte et horizontale, coordonnée entre les différents niveaux de gouvernement – à l’instar d’España Digital 2026 – et dirigée par un numéro 1 ou 2 (vice-premier) du gouvernement. 

 

#1 Stimuler les compétences digitales 

  • Élargir l’offre de formation pour les experts numériques, y compris dans les domaines de l’IA/des données et de la cybersécurité (voir le chapitre Éducation & formation). 
  • Encourager également les formations « non régulières » notamment en les cartographiant (mapping). Tenir aussi compte de l’impact des formations « non régulières » (axée sur la demande) pour l’indice DESI. 

 

#2 Sécuriser l’infrastructure digitale 

  • Mettre sur pied une campagne d’activation ambitieuse et coordonnée au niveau régional et national, ciblant les dirigeants des secteurs privé et public, afin qu’ils adoptent un plan de cybersécurité/résilience. 
  • Accélérer, au sein du Centre pour la cybersécurité en Belgique (CCB), la création d’un super Centre opérationnel de sécurité (SOC) pour organiser l’échange d’informations entre les entreprises et avec le secteur public. Il couvrira notamment les informations relatives aux cyberattaques, aux réponses et aux vulnérabilités, afin de renforcer la cybersécurité dans les secteurs critiques et les entités clés (voir Directive NIS2). Cela contribuera à renforcer la stratégie nationale de cybersécurité 2.0 et la stratégie européenne (par exemple, l’établissement d’un SOC transfrontalier). 
  • Mettre en oeuvre efficacement le partenariat public-privé pour la défense dans le cadre de la stratégie industrielle et de recherche de la Défense (DIRS), en impliquant des acteurs tels qu’Agoria avec son groupe d’entreprises Cyber Made in Belgium 4 Defence. 
  • Introduire une déduction fiscale pour tous les investissements dans la cybersécurité. 
  • Telecom : voir le chapitre Telecom.

 

#3 Faciliter l’accélération digitale pour les entreprises 

Nouvelles technologies, données et innovation 

  • Déployer davantage de nouvelles technologies telles que l’IA et le web 3.0 dans le secteur public pour relever les défis sociétaux (par exemple, la mobilité, les soins de santé, les élections, la lutte contre le blanchiment d’argent, etc.) 
  • Promouvoir la création d’écosystèmes de données, par exemple en investissant dans l’écosystème existant de la Data Space Alliance. Les pays voisins, à savoir la France, l’Allemagne et les Pays-Bas, sont beaucoup plus avancés à cet égard. Les Pays-Bas, par exemple, disposent du Centre of Excellence for Data Sharing & Cloud. Il est nécessaire de mettre des données externes à la disposition des entreprises pour qu’elles puissent continuer à innover à l’avenir. 
  • Maintenir notre système actuel d’incitants fiscaux à la R&D (2022) et le rendre plus accessible aux start-ups et aux PME technologiques (voir le chapitre Fiscalité). 

Mise en oeuvre de nouvelles réglementations numériques 

  • En collaboration avec les régions, nommer un coordinateur numérique au sein du gouvernement fédéral (sous la responsabilité d’un ministre de la Numérisation), en vue de créer de nouveaux organes pour mettre en oeuvre les nouvelles réglementations européennes (Data Act, Cyber Resilience Act, AI Act, Digital Services Act, etc.). Fonction de ce coordinateur : assurer un rôle de « one-stop shop » pour les entreprises, d’information et de sensibilisation, etc. 
  • Au niveau fédéral, en coopération avec les régions, mettre en place des bacs à sable réglementaires pour tester à grande échelle les nouvelles réglementations numériques européennes, en particulier l’AI Act et le Data Act. Nous nous référons ici au projet pilote espagnol pour l’AI Act

Digital4Sustainability 

  • Investir dans des solutions numériques pour réduire l’empreinte carbone dans les secteurs de la mobilité, de l’énergie et des bâtiments (investissements publics) (voir le chapitre Energie & Climat). 
  • Soutenir la réduction de l’empreinte carbone numérique (Green IT) en aidant les centres de données et les opérateurs de télécommunications à devenir entièrement décarbonés d’ici 2050 et à respecter les nouvelles exigences de l’UE en matière d’établissement de rapports (pas d’obligation fédérale supplémentaire).

 

#4 Encourager la digitalisation des services publics 

  • Mettre fin à la concurrence déloyale que subissent les entreprises privées de la part des instances publiques numériques telles que Smals (fédéral) et Paradigm (Bruxelles) et de certains services publics et encourager la collaboration avec le secteur privé (par exemple, un rôle clair pour le gouvernement dans la gestion des données). 
  • Agoria souhaite accélérer la digitalisation complète des processus clés, tels que le déménagement, afin d’améliorer la vie des citoyens et des entreprises, et ce, de manière transversale entre le niveau fédéral et les Régions et en collaboration avec le secteur numérique. 
  • Soutenir l’innovation numérique et l’utilisation des données dans le secteur de la santé. Développer une vision et un financement structurel pour l’innovation dans le secteur de la santé. En collaboration avec les régions, établir un programme cohérent et efficace pour mieux utiliser et partager les données relatives à la santé.

Technology for a better world 

La transition digitale touche plusieurs des 12 domaines d'impact de la stratégie de développement durable d’Agoria : les technologies pour l’emploi durable, une économie de données rationalisée, l’action climatique, la numérisation et l’éthique, la transparence et la cybersécurité. Une numérisation réfléchie peut contribuer à une plus grande durabilité, à la transparence et à la tranquillité d’esprit. Elle n’est pas une fin en soi, mais un moyen idéal pour créer un impact positif.

Lisez nos recommandations pour d'autres niveaux de gouvernement.