Il est temps de changer de route
Depuis des années, le climat entrepreneurial européen est soumis à des pressions sans précédent. À la pandémie de coronavirus ont succédé l’invasion russe de l’Ukraine, la crise de l’énergie, l’inflation galopante et la perturbation des chaînes d’approvisionnement mondiales. Bon nombre de ces défis extérieurs sont apparus comme un coup de tonnerre et notre compétitivité internationale en a fortement souffert. Songeons, par exemple, aux prix de l’énergie, qui ont longtemps été beaucoup plus élevés en Europe qu’aux États-Unis et qui sont encore quatre fois supérieurs pour le gaz, par exemple (voir le chapitre Energie et climat).
When it rains, it pours.
Une pression réglementaire inouïe
Comme si la série historique de défis extérieurs ne suffisait pas, l’Europe elle-même a également fait sa part pour mettre sous pression le climat entrepreneurial. Ou plus concrètement, cette Commission européenne s’est distinguée par une pression réglementaire sans précédent, sans pour autant évaluer la compétitivité.
L’hyperrégulation dans le cadre de la transition jumelée, un cas d’école
Afin d’accélérer la transition écologique, l’UE met sur la table le Green Deal, qui comprend le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (CBAM), des règles de diligence raisonnable et des obligations strictes en matière de rapports sur le développement durable.
La Commission européenne a également été particulièrement active sur le thème de la transition numérique. Data Act, AI Act, Chips Act, directive NIS 2... toutes ont vu le jour. Le Cyber Resilience Act est quant à lui en cours d’élaboration.
Qui peut encore suivre ? Et même si c’est le cas, qui a le temps de tout mettre en oeuvre sans faille et sans perte de compétitivité ? Les PME sont particulièrement menacées. Elles ne sont pas toujours directement visées par les règles, mais leurs fournisseurs et leurs clients attendent d’elles qu’elles entreprennent également les démarches nécessaires. Elles sont donc de facto rapidement concernées par toutes ces règles si elles veulent continuer à fournir leurs services et leurs produits.
En d’autres termes, cette Commission européenne a été très active en matière de réglementation, tandis que la valeur ajoutée des différentes réglementations n’est pas toujours évidente, c’est le moins que l’on puisse dire. Il est temps de prendre un nouveau virage.
Wanted : des solutions à long terme pour des défis immédiats
Les institutions européennes ont mis sur papier des objectifs ambitieux – de la neutralité climatique au leadership numérique – et introduisent toutes sortes de réglementations pour les soutenir. Mais le risque est que les obligations qui en découlent limitent les entreprises technologiques, alors qu’elles sont précisément essentielles à notre prospérité.
Nous avons besoin d’un cadre qui encourage l’entrepreneuriat, soutient le développement et permet l’innovation. Il s’agit là, certes, de fondamentaux, mais l’Europe doit les remettre sur les rails pour faire face à ses concurrents mondiaux.
Législation et réglementation, stabilité économique, accès aux capitaux, développement des talents, culture d’entreprise... Sur bon nombre de ces éléments constitutifs d’un climat entrepreneurial sain, l’UE n’a pas obtenu les résultats escomptés ces dernières années. Dans l’ensemble, cela a également créé un problème de perception. Les entrepreneurs se méfient de la rigidité de l’Europe. Comment pouvons-nous rendre notre climat d’affaires à nouveau attrayant ?
En 2020, la Commission a présenté un nouveau plan d’action pour progresser vers l’achèvement de l’Union des marchés des capitaux (UMC). Ce plan contient une série de mesures législatives et non législatives visant à atteindre trois objectifs principaux :
- soutenir une reprise économique verte, numérique, inclusive et résiliente en rendant le financement plus accessible aux entreprises européennes
- rendre l’UE encore plus sûre en tant qu’espace où les citoyens peuvent épargner et investir à long terme
- intégrer les marchés nationaux des capitaux dans un véritable marché unique
- à la suite de ce plan d’action, certaines mesures ont déjà été prises, mais parvenir à une véritable union des marchés des capitaux nécessite encore du travail.
Roadmap pour une prospérité durable
#1 Mise en oeuvre faisable des propositions législatives
Agoria insiste sur le fait que les initiatives européennes doivent rendre plus attractifs les activités commerciales, l’innovation et l’investissement. Les 4 piliers du Green Deal Industrial Plan – réglementation, financement, compétences et commerce international – semblent prometteurs, mais en général, nous constatons au sein de l’UE un besoin croissant de concentration, de meilleure planification et de délais plus réalistes pour une mise en oeuvre réussie des différentes propositions législatives européennes. (voir le chapitre Compétitivité)
#2 Études d’impact sur l’ensemble de la chaîne de valeur
Agoria estime que les nouvelles réglementations européennes ne peuvent voir le jour que si une étude analyse et évalue (positivement) leur impact sur l’ensemble de la chaîne de valeur. En ayant une idée des coûts et des avantages potentiels, les entrepreneurs peuvent prendre et anticiper plus rapidement des décisions orientées vers l’avenir.
#3 Plus de clarté dans la réglementation
Agoria milite pour un cadre réglementaire stable et cohérent dans lequel l’agilité, la clarté et l’harmonie sont les mots clés. La prochaine législature doit renouer avec un cadre favorable aux entreprises.
#4 Révisions à mi-parcours des nouvelles réglementations
Agoria note que les nouvelles réglementations européennes, telles que le Mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (CBAM), sont lancées avec les meilleures intentions du monde, mais ont parfois des conséquences tout autres. Dès qu’il apparaît que les charges (administratives) ne l’emportent pas sur les avantages (supposés), les régulateurs doivent être prêts à revoir fondamentalement les réglementations et, si nécessaire, à les annuler avant la fin de la période de transition.
#5 Faire de l’Union des marchés de capitaux une réalité
Le marché européen des capitaux reste fragmenté au-delà des frontières nationales. En supprimant les barrières, l’Union des marchés des capitaux pourrait créer de nouvelles sources de financement pour les entreprises, soutenant ainsi la transition verte et numérique.
Technology for a better world
Moins de paperasserie et de réglementation, telle est la condition nécessaire pour améliorer la compétitivité de nos entreprises. Il faut donc encourager et faciliter l’entrepreneuriat plutôt que d’inhiber.