Garantir l’approvisionnement en énergie pour les années à venir

Il est temps de changer de route 

La transition énergétique a des implications considérables pour notre approvisionnement en énergie. L’électrification des transports, le chauffage des bâtiments et les processus industriels vont entraîner une augmentation considérable de la consommation d’électricité. La demande de l’industrie augmente également, notamment pour la production d’hydrogène (H2 ) et d’électro-carburants (ou « e-carburants »). En d’autres termes : nous devons assurer dès aujourd’hui l’approvisionnement énergétique de demain.


L’énergie nucléaire reste pertinente

En ce qui concerne l’énergie nucléaire, le gouvernement fédéral a soufflé le chaud et le froid. Dans un premier temps, il s’est engagé pleinement dans une sortie totale du nucléaire, mais la crise ukrainienne l’a fait changer d’avis. Il a finalement conclu un accord avec l’exploitant pour maintenir deux centrales nucléaires (Doel 4 et Tihange 3) en activité pendant 10 années supplémentaires. En outre, 100 millions d’euros ont été alloués à la recherche sur la nouvelle technologie nucléaire des petits réacteurs modulaires (SMR). Toutefois, la législation interdit encore la construction de nouvelles centrales nucléaires en Belgique.

Mise en place d’un mécanisme de rémunération des capacités (CRM)

Après accord de l’UE, un CRM a été mis en place pour assurer la sécurité de l’approvisionnement. Sa conception permet de répondre avec souplesse aux chocs d’approvisionnement externes et de résoudre les problèmes d’attribution de licences aux capacités retenues lors de la mise aux enchères. Dans le cadre du CRM ont également été prévus le stockage et le Demand Side Response (DSR), en plus des centrales à gaz.

Forte pression sur l’approvisionnement en électricité

L’approvisionnement en électricité est soumis à une pression considérable, principalement en raison de la réduction ciblée des émissions de CO2 (-55% d’ici 2030) dans tous les types de secteurs tels que les transports et les bâtiments, et de la neutralité climatique convenue d’ici 2050. Les simulations exploratoires du Bureau fédéral du Plan et d’EnergyVille indiquent que la demande d’électricité va presque tripler pour atteindre 200-250 TWh à long terme. En 2022, la consommation d’électricité était encore de 86 TWh. Elle augmentera de 50 % au cours des dix prochaines années. L’augmentation de la demande d’électricité est nécessaire pour le transport, le chauffage des bâtiments et les processus industriels, ainsi que pour la production de H2 et d’e-carburants afin de décarboniser les processus industriels. 

Auparavant, l’insuffisance de la capacité d’interconnexion avec les pays voisins était souvent à l’origine des déconnexions du marché et des différences de prix de l’électricité en Europe occidentale. Aujourd’hui, c’est plutôt la disponibilité de l’énergie dans les pays voisins qui en est la cause. Cependant, l’interconnexion reste importante pour construire un marché européen de l’électricité, ainsi que pour mieux faire correspondre les pénuries et les excédents des pays de l’UE.

Les énergies renouvelables et à faible teneur en carbone gagnent en importance

Au cours des 20 dernières années, l’intensité en carbone de la production d’électricité belge est passée de 275 à 136 g/kWh. Toutefois, à partir de 2023, elle risque d’augmenter à nouveau en raison de la fermeture de centrales nucléaires et de la lenteur du développement des énergies renouvelables. La disponibilité d’une énergie à faible teneur en carbone devient de plus en plus importante pour que notre pays soit considéré comme un lieu d’investissement pour les projets de transition énergétique. La nécessité croissante de se conformer aux exigences de durabilité et à la taxonomie joue également un rôle important.

En 2021, les énergies renouvelables représentaient 13,01 % de la consommation finale d’énergie. L’électricité renouvelable représentait 26,01 % de la production d’électricité. La Belgique a atteint de justesse les objectifs européens (2020). Cependant, dans le contexte de Fit for 55 et de REPowerEU, les objectifs européens ont été considérablement resserrés à 42,5 % (REDIII). La Belgique devrait porter la part des énergies renouvelables à 32 %, mais les plans énergétiques et climatiques actuels ne prévoient qu’un doublement. 

Lors du processus d’approbation de la REDIII par le Conseil européen, il est apparu que de nombreux États membres de l’UE devraient poursuivre une vision globale et technologiquement neutre de l’énergie à faible teneur en carbone. Cette vision va au-delà des seules énergies renouvelables. Un certain nombre de pays, dont la France, souhaitent également développer l’énergie nucléaire dans le cadre du Green Deal et de la transition énergétique.

Progrès dans la production d’énergie en mer

Le gouvernement fédéral a défini une deuxième zone de production d’énergie en mer du Nord. La capacité de production totale passe ainsi de 2,2 à 5,8 GW. Le calendrier des appels d’offres a été publié le 3 février et la législation nécessaire est en cours de préparation. Le mécanisme de soutien est conforme aux propositions relatives à la conception du marché de l’électricité de l’UE. La Belgique milite aussi activement pour que la mer du Nord devienne la plus grande centrale éolienne en mer.

Il est urgent d’adopter un tax shift vert

Une étude interne réalisée par Agoria montre que la Belgique est le pays qui pénalise le plus l’électricité en termes de (para)taxation par rapport à d’autres secteurs énergétiques comme le gaz naturel. Cette situation est pernicieuse pour l’électrification des ménages et des entreprises, notamment si l’on veut accélérer le déploiement des pompes à chaleur et des voitures électriques. Le réalignement de la TVA et des accises du gouvernement De Croo n’a rien changé à cette situation, bien au contraire. Il y a là un chantier à mener tant au niveau fédéral qu’au niveau régional pour inverser le rapport des charges.

Les régions emboîtent le pas

Les plans régionaux pour l’énergie et le climat proposent également de poursuivre la croissance des énergies renouvelables. Si l’on additionne les objectifs des différentes autorités, la production d’électricité renouvelable atteindra 50 TWh par an en 2030. La capacité de ce parc de production dépassera alors 25 GW, ce qui est bien plus que la consommation actuelle d’électricité aux heures de pointe (+/- 13 GW). Ainsi, outre les investissements dans la capacité de production à faible émission de carbone, des investissements massifs dans la flexibilité, le Demand Side Response, le stockage (central et V2G) seront nécessaires.

La gestion numérique de l’énergie : l’avenir

Selon une étude récente du Brattle Group pour Google, la gestion entièrement numérique de l’énergie (virtual power plant) est beaucoup moins coûteuse pour gérer un système d’énergie renouvelable à grande capacité que les solutions traditionnelles (par exemple, les centrales électriques au gaz d’écrêtage de pointe ou le stockage à grande échelle dans des batteries).

Mobilité

Le gouvernement De Croo a adapté la réglementation relative aux voitures de société afin de promouvoir les avancées en matière de véhicules à faibles émissions. Le budget mobilité donne aux travailleurs plus de flexibilité et de liberté de choix pour leurs trajets domicile-travail, réduisant ainsi les embouteillages. 

Des investissements ont également été réalisés sur le réseau ferroviaire afin d’accroître la sécurité et la ponctualité et d’améliorer les services. Un nouvel accord de gestion a été conclu avec la SNCB. L’entreprise de transport doit continuer à travailler sur trois défis majeurs : la réduction de la consommation d’énergie, le renforcement de la sécurité et l’augmentation de la capacité.

Bâtiments climatiquement neutres : nécessité d’accélérer

Le gouvernement fédéral s’est fixé un objectif ambitieux : atteindre la neutralité énergétique et climatique d’ici 2040 pour tous les bâtiments publics relevant de la compétence de la Régie des bâtiments, de la SNCB/Infrabel et de la Défense. Atteindre cet objectif nécessitera une sérieuse accélération des travaux de construction et de rénovation du patrimoine de l’État. Plus précisément, ces défis majeurs compliquent la mise à l’échelle : 

  • Les différentes réglementations régionales concernant les niveaux de neutralité énergétique et climatique rendent difficile l’établissement d’une base de référence. 
  • Partage des connaissances avec l’industrie pour déterminer les options disponibles. 
  • Une main-d’oeuvre supplémentaire et de nouveaux profils professionnels pour lancer les stratégies immobilières et les projets de rénovation nécessaires, en tenant compte des possibilités de numérisation. 
  • Une disposition prévoyant un financement basé sur une structure pluriannuelle au lieu des budgets annuels actuels.

Roadmap pour une prospérité durable

#1 Transformer la loi sur la sortie du nucléaire en un cadre juridique permettant aux centrales nucléaires de rester ouvertes et aux nouvelles centrales d’être autorisées. 

 

#2 S’engager en faveur des petits réacteurs modulaires (SMR). Veiller à ce que les investissements dans les SMR puissent être réalisés dans un délai similaire à celui des autres pays qui cherchent à accélérer cette technologie. 

 

#3 Réaliser la zone Princesse Elizabeth afin de porter la capacité offshore totale à 5,8 GW d’ici 2028. Mettre l’électricité à la disposition des consommateurs intéressés par le biais d’Accords d’achat d’électricité (AAE). Continuer à faire de la mer du Nord la plus grande centrale éolienne en mer. 

 

#4 Travailler au sein de l’UE avec d’autres États membres qui souhaitent développer leur approvisionnement en énergie nucléaire. 

 

#5 Mettre en place un tax shift vert. 

Réduire les taxes sur l’électricité par rapport aux combustibles fossiles afin d’accélérer l’électrification chez les citoyens et au sein des entreprises par le déploiement de pompes à chaleur, de la mobilité électrique, etc. 

 

#6 En collaboration avec les régions, réaliser le développement de l’infrastructure de réseau nécessaire (y compris les interconnexions) pour le H2 et le CSC.

 

#7 Créer un partenariat solide autour du système ferroviaire en suivant l’exemple d’autres pays. 

Un écosystème fort conduit à des partenariats et augmente la résilience du système ferroviaire et de l’industrie. 

  • Mieux utiliser le cadre européen existant pour les marchés publics afin de créer des conditions de concurrence plus équitables. 
  • Faciliter le lancement d’une plateforme de données. Assurer une plus grande transparence et une meilleure disponibilité pour tous les utilisateurs privés et publics, tant pour le trafic de passagers que pour le trafic de marchandises. 
  • Assurer la continuité : confirmer les engagements financiers des plans pluriannuels (OPEX et CAPEX) comme convenu avec Infrabel et la SNCB
  • Éliminer les ambiguïtés de la législation fiscale actuelle pour les véhicules d’entreprise (par exemple, le remboursement de la recharge à domicile) en vue de réduire l’impact de la mobilité sur le climat et l’environnement. 

 

#8 En tant que gouvernement, donner l’exemple et maximiser la réalisation d’énergie renouvelable dans le patrimoine du secteur public. 

La mise en place d’une cellule de coordination – ou structure, parapluie... – entre la Régie des Bâtiments, Infrabel/SNCB et la Défense peut permettre de partager et d’harmoniser l’expertise, les méthodes et les données, et de délimiter des objectifs et un travail cohérents de la part d’instances ayant des responsabilités politiques différentes.

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